LĠarbre de Mars

 

 

ˆ lĠaube dĠun mars magnifique

lĠaubier mis ˆ nu des pommiers de ma terre
rejoignait le spectacle dĠune ville
tombant dans les bras dĠun brasier

des fleurs odorantes et toxiques rappelaient
le compliquŽ mŽlange de silicate de fer
passant dans la fabrication de nos bombes

 

tu lŽchais tes doigts

ils conservaient ce parfum ‰cre et ferreux
de lĠexil

tu lŽchais tes doigts dans cette peur ha•e
victoire ˆ ton silence

quand ta main fr™lait ma taille
et en sculptait le jour
jĠŽtais joie et poussire

mais tu oubliais dŽjˆ ma bouche
dŽjˆ mes lvres enveloppant ton sexe roux
tu oubliais cette parfaite solitude

 

* * *

 

les chairs forment des roseaux de pluie

et tu plonges en ta belle dŽraison

en ce temps fortuit

mes doigts tordus de mensonges
et de grves sablŽes

tes lvres ŽcorchŽes aux fruits
de ce dernier hommage

un fardeau de plus ˆ ma luciditŽ

le gožt acide de lĠeau p‰lit
je ne ris plus de toi

dŽsormais je fabrique des bombes farineuses

 

* * *

 

le faux bois dŽnudŽ des arbres de ma terre
gŽmit au froissement de lĠaube

des vents froids polissent lĠŽcorce neuve
des branches levŽes en autant de bras maigres
tendus

au palpitant de leurs blessures coule encore
la salive poisseuse des grands animaux

 

jĠaurai des morts pour me parler

et je me souviendrai des arbres blonds
qui ont voulu croire en notre amour

arbres rongŽs au sang de leur pulpe premire

 

* * *

 

la chair mise ˆ nu des pommiers de ma terre
sĠarrime au spectacle dĠune ville
dans lĠenclave des feux

au mme gŽmissement
la mme offrande vive

au mme espoir maigre
la promesse rousse de notre intimitŽ

 

 

France Mongeau

LĠarbre de mars. MontrŽal : Le bonheur des potes,

ƒcrits des Forges, 2007.